Interview de Jules Theis @thejoysofjules
Aujourd’hui, je vous propose de partir à la rencontre d’une femme extraordinaire : Jules Theis. Jeune femme canadienne mariée à James, un français. Ensemble, ils ont donné la vie à 3 merveilleux enfants et leur histoire est hors du commun. Peut-être avez-vous écouté le récit de James sur notre podcast Parents Inspirants ?
Cette fois-ci c’est Jules qui répond aux questions de la rédac’ du Mag !
Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qu’il s’est passé pour la naissance de vos 3 enfants ?
Quand je suis tombée enceinte pour la 1ere fois, j’ai immédiatement su que je voulais accoucher à la maison. Ainsi, dès le début de la grossesse, nous avons tout organisé pour une naissance à la maison sans plan B.
Une semaine avant la date prévue d’accouchement, j’ai commencé le travail.
Après 28 longues et douloureuses heures, notre sage-femme nous a poussé à nous rendre à l’hôpital. Je ne dilatais pas au-delà de 9 cm et elle s’inquiétait pour le bébé.
Mon mari, James, et moi-même nous sommes précipités vers l’hôpital le plus proche. Nous avons été dirigés vers la salle de naissance ou les sages-femmes nous ont dit qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir et que je pouvais commencer à pousser.
Dix minutes plus tard, au moment de la poussée finale, l’éclampsie a pris le contrôle de mon corps et mon cœur s’est arrêté.
Les médecins ont tout mis en œuvre pour me ramener à la vie et une heure plus tard j’étais sauvée. J’ai passé 5 jours en unité de soins intensifs, pendant que James prenait soin de notre bébé Oslo dans le service de maternité.
Au bout d’une semaine, mes constantes vitales se sont stabilisées et nous avons été autorisés à rentrer à la maison.
Juste après le 1er anniversaire d’Oslo, James et moi attendions notre deuxième fils. Comme pour ma première grossesse, j’étais en pleine forme mais comme j’avais souffert d’une éclampsie je devais accoucher à l’hôpital.
Le jour de mes 29 ans, les contractions ont commencé dès que je me suis réveillée. Avant même que je me rende compte que j’étais en plein travail, il était déjà trop tard pour que j’aille à l’hôpital. Notre fils Louie était pressé d’arriver. Je me suis alors allongée dans les escaliers, prête à pousser. L’accouchement prévu à l’hôpital s’est rapidement transformé en une naissance à la maison inattendue et spectaculaire. Envahi par la peur pour ma santé, James a appelé le SAMU. Pas moins de 2 pompiers, 3 ambulanciers, 1 docteur, 1 sage femme, et 1 infirmière sont arrivés. Ils avaient tous le regard fixé sur moi alors que je donnais naissance à notre fils Louie.
Nous l’avons fait, et j’étais si fière ! Mais la présence des ambulanciers a rapidement fait disparaître cette magie. Notre bulle a éclaté lorsque j’ai réalisé que ce n’était pas la naissance à la maison dont j’avais toujours rêvé, sous les cris du personnel médical qui insistait pour que nous nous rendions à l’hôpital. Ces premiers moment cruciaux pour créer le lien d’attachement nous ont été retirés, encore une fois.
Quatre ans plus tard, après avoir suivi une thérapie, des soins énergétiques et avoir beaucoup grandi, mon mari et moi avons pris la décision d’avoir un autre bébé. Je suis rapidement tombée enceinte d’une petite fille. Nous avons beaucoup réfléchi à l’accouchement. Prenant en compte ma santé mentale et physique, j’ai choisi la césarienne. Le jour de la naissance, mon cœur battait la chamade alors qu’on m’amenait au bloc opératoire. J’étais terrifiée par l’opération chirurgicale et excitée en même temps car je savais que nous allions rencontrer notre fille très vite. Dix minutes plus tard, nous avons entendu un cri. Nous avons vu notre bébé sortir de mon abdomen. James et moi avons fondu en larmes ; notre Sunny était là !
Sunny a été placée en peau à peau sur ma poitrine et j’ai regardé son magnifique petit visage pendant que James nous berçait dans ses bras. C’était ce que j’avais toujours voulu pour mes bébés. Tout était si parfait vu de l’extérieur, mais pendant que les médecins nettoyaient ma cicatrice, mon corps a perdu le contrôle. Ils ont dit que c’était une réaction normale suite à l’anesthésie, mais cela m’a fait sortir de notre bulle me faisant penser à la naissance d’Oslo et à la peur de mourir.
J’étais choquée que mon corps réagisse ainsi suite à l’opération parce que les médecins ne m’avaient pas prévenu que ça pouvait arriver. Pour eux, la césarienne s’est déroulée comme prévue ; le bébé était parfait et nous étions toutes les deux en bonne santé. Mon troisième et dernier accouchement m’a appris une leçon très importante au sujet de la naissance ; les accouchements peuvent se dérouler exactement comme prévu mais peuvent quand même présenter des moments de traumatisme.
A votre avis, quelle est la définition du « traumatisme de l’accouchement » ?
« Traumatisme de l’accouchement » est une expression que beaucoup associent à une expérience traumatisante au moment de la naissance, et bien sûr cela s’applique mais je pense que traumatisme périnatal est une meilleure expression pour couvrir le traumatisme que les femmes endurent au cours de la grossesse, l’accouchement, et la période du post-partum. Cette expression englobe ce que toutes les femmes traversent et aide à reconnaître que le traumatisme peut ne pas survenir juste au moment de l’accouchement mais aussi avant et après.
Je voudrais aussi insister sur le fait qu’il n’y a pas d’échelle de mesure pour le traumatisme vécu. Ce qui est génial avec les réseaux sociaux c’est que les tabous se lèvent autour de la naissance et on peut voir le beau et le moins beau. Personnellement, lorsque j’ai commencé à voir des femmes partager leurs déchirants et tragiques traumatismes périnataux je me suis dit : « Je n’ai vraiment pas à me plaindre, mon vécu est loin d’être aussi difficile que le leur ».
Je veux que toutes les femmes sachent qu’il n’y a pas d’échelle qui mesure le traumatisme qu’elles endurent. Tous les traumatismes sont valides, et toutes les femmes méritent de guérir.
Pourriez vous partager vos clés pour sortir de la dépression postpartum ou tout simplement pour ne jamais oublier que nous sommes des femmes avant d’être mères ?
Pendant les premiers jours avec mon fils aîné, mes pensées étaient très sombres. J’avais le sentiment que je n’avais pas d’amour à lui offrir , ni à m’offrir à moi-même. Je ne voulais pas reconnaître que j’avais vécu un accouchement traumatique, ainsi, je n’ai jamais parlé de ce qu’il s’était passé pas même avec mon mari. Mais cela ne m’a pas empêché de faire une dépression du postpartum. J’avais encore plus honte et ce sentiment de honte a marqué en grande partie ma maternité. J’avais souvent des pensées suicidaires pendant que j’allaitais mon fils et c’était très effrayant.
Le seul moyen pour moi de survivre était de faire comme si rien de tout cela avait eu lieu et d’utiliser un moyen de faire face appelé dissociation. C’était comme si un épais brouillard couvrait mes sombres pensées, et je pouvais prétendre que j’allais bien. Ce brouillard a perduré tout le long de ma deuxième grossesse et la naissance de mon deuxième enfant, puis j’ai commencé à oublier de nombreux détails de mon premier accouchement et de la période de postpartum.
Jusqu’à ce que nous déménagions et là, un flot de souvenirs m’a envahi. C’était très choquant de me remémorer toutes ses choses horribles que j’avais vécues pour la naissance de mon premier fils. Je me suis rendue compte que nous pouvions enfouir nos traumatismes. Peu importe la durée, ils finiront par ressortir et parfois au moment où l’on s’y attend le moins.
Le début de ma guérison a commencé lorsque j’ai demandé à mon mari de me raconter notre histoire de la naissance de notre fils. Je voulais qu’il me partage tous les détails que j’avais oubliés et que je ne voulais pas entendre jusqu’à là.
Quand j’ai su mon histoire, j’ai commencé à tout écrire. La rédaction est une de mes passions et c’est un moyen pour moi de comprendre mes émotions.
Je me suis autorisée à faire le deuil de la naissance parfaite et à pleurer. J’ai fait appel à un thérapeute et j’ai demandé des soins énergétiques pour m’aider davantage.
Grâce à l’EMDR, l’hypnose et la rédaction j’ai réussi à guérir de toutes les souffrances causées par le vécu de mon premier accouchement.
Aujourd’hui, huit ans plus tard, je suis toujours émue lorsqu’on parle de naissance mais je suis capable de voir à quel point j’ai grandi grâce à mon expérience et je suis en paix avec mon vécu. Je sais maintenant que notre expérience périnatale ne nous définit pas en tant que femme et mère. Simplement parce que l’accouchement ne s’est pas déroulé comme prévu ne signifie pas que nous avons échoué et il n’y a rien à compenser. Nous sommes mères, quoi qu’il en soit. Cela peut prendre du temps, de se rendre compte que ce rôle est réel mais peu importe l’accouchement nous pouvons être fières d’être appelées maman. Parce que c’est l’unique définition de nous pour nos bébés.