Témoignage de Anne-Sophie Clouet, @lheuredelacigogne

Une grossesse PMA

Quelques mois après avoir commencé nos essais pour tomber enceinte, nous avons découvert que j’étais atteinte du Syndrome des Ovaires Polykystiques, ou SOPK. C’est donc après un parcours en PMA, et environ 2 ans d’attente, de succession de désillusions et d’espoirs, que je suis finalement tombée enceinte en Mai 2020.

Après ce parcours, je voyais presque la grossesse comme une « finalité ». Nous avions réussi ! J’étais enceinte et nous attentions un petit garçon, pour notre plus grand bonheur. J’étais loin d’imaginer que toutes les grossesses ne durent pas 9 mois et que parfois, la vie ne cesse de nous surprendre.

Le jour où tout a basculé

Tout a basculé le 15 Novembre 2020, à quelques jours d’entrer dans le 3ème trimestre, et après que les deux premiers se soient passés à merveille. J’étais alors à seulement 27SA, et je me suis réveillée dans une mare de sang. Le cauchemar commençait.

Lorsque le SAMU m’a déposée à l’hôpital de Saint-Malo, j’étais surtout soulagée d’entendre battre le cœur de notre petit bonhomme, de savoir qu’il était encore avec nous. On m’a expliqué qu’il s’agissait d’un problème de placenta qui était bas inséré, ou « prævia », et qu’il saignait à cause des contractions de l’utérus. Lors de l’échographie T2, début Octobre, on m’avait effectivement dit que mon placenta n’était pas encore remonté, mais qu’il n’y avait rien d’inquiétant et que ce point serait recontrôlé lors de l’échographie T3, mi-Décembre. On m’a donc expliqué que je pouvais avoir plusieurs épisodes de saignements de ce type, que tout cela était très aléatoire et imprévisible. Je pouvais accoucher dans 2 heures, comme dans 3 mois. J’ai été perfusée afin de recevoir des médicaments pour stopper les saignements, et j’ai rapidement été transférée à l’hôpital de Rennes, qui est un hôpital de niveau 3. J’étais vraiment très loin de réaliser que si j’avais été transférée, c’est parce qu’il y avait un risque que j’accouche à ce stade si précoce.

Un accouchement traumatisant

J’ai finalement réussi à garder notre petit bonhomme 2 semaines de plus « au chaud », mais le troisième épisode de saignements a été celui de trop. Le 28 Novembre 2020, à 29SA+4, après plus de 40 heures en salle d’accouchement à lutter contre la douleur des contractions, et à me vider de mon sang heure après heure, la décision d’une césarienne en urgence a été prise. Nous étions tous les 2 en urgence vitale. J’étais inconsciente au moment où j’ai accouché, si on peut appeler cela un accouchement.

Arthur a tout de suite été emmené en réanimation néonatale, et son papa a pu aller avec lui. J’ai repris progressivement conscience pendant que l’on était en train de me recoudre, puis en salle de réveil. J’ai pu rejoindre Arthur presque 6 heures après sa naissance, pour partager quelques minutes avec lui, nos premiers moments en famille. Je ne voyais que lui, malgré toutes les machines qui l’entouraient, sa couveuse, les bandages qui recouvraient son corps. J’ai profité de chaque seconde, sans imaginer qu’il faudrait attendre plusieurs jours avant que je ne puisse le revoir.

Des premiers jours difficiles

En effet, les jours qui ont suivis ont été particulièrement difficiles. De mon côté, je luttais pour retrouver des forces, car j’avais perdu tellement de sang que j’étais incapable de parler, de respirer, de bouger les doigts. J’étais très anémiée et j’ai dû recevoir plusieurs transfusions de sang, et attendre quelques jours avant que l’on puisse m’asseoir dans un fauteuil roulant pour m’emmener auprès d’Arthur.

De son côté, Arthur luttait pour sa survie, en réanimation. Comme de nombreux bébés prématurés, tous ses organes étaient immatures. Les reins, les poumons, le système digestif, et tant d’autres n’étaient pas encore complètement formés. Arthur est né avec une hémorragie au cerveau, a dû être transfusé car il n’avait pas assez de globules rouges, perfusé pour recevoir de nombreux traitements. Il respirait à l’aide d’une machine, et recevait ses alimentations par une sonde, à raison de seulement 3 millilitres sur une heure et demie, toutes les 3 heures. Difficile à imaginer quand on sait qu’aujourd’hui, il avale 240 millilitres en quelques minutes !

Un parcours sans fin

Nous avons continué ce parcours, heure après heure, jour après jour, sans savoir de quoi le lendemain serait fait. Nous étions pris dans un rythme sans fin, de tire-lait, d’alimentation à la sonde, de soins, de scope, jours et nuits, sans aucun repère. La néonatalogie est une bulle, le monde extérieur n’existe plus. L’hôpital est notre maison, et il n’y a plus de jours ou de nuits, plus de semaines ou de week-end, plus de vacances ou de jours fériés, même en période de fêtes de fin d’année. Il y a juste ce rythme des 3 heures qui nous berce sans que nous puissions réaliser. Nous avons ainsi avancé sans nous poser de questions, tels des robots, en passant le plus de temps possible en peau à peau avec notre petit, qui prenait des forces jour après jour. Nous sommes sortis de la réanimation néonatale pour les soins intensifs, puis les soins courants. Arthur a été capable de respirer sans aide respiratoire au bout d’un mois, puis il a appris à se réchauffer par lui-même en dehors de la couveuse, et à s’alimenter de manière autonome. Chaque étape était une grande victoire, et même si le chemin parcouru nous semblait déjà très long, la lumière au bout du tunnel nous paraissait inatteignable.

Nous sommes finalement rentrés chez nous le 28 Janvier, soit 2 mois après la naissance d’Arthur, et presque 3 semaines avant son terme, ce qui était inespéré.

La prématurité ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital

Pour autant, la prématurité ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital, et à notre retour, nous devions rester vigilants sur tout (nous le sommes encore !), et avions de nombreux rendez-vous, qui s’articulaient entre l’infirmière de la PMI qui venait le peser, son pédiatre de ville, la pédiatre de l’hôpital, le CAMSP, et les éventuels spécialistes comme la psychomotricienne, le kiné, l’ophtalmologiste, l’orthoptiste…

Ce suivi multiple va durer jusqu’à ses 7 ans, aux environs de l’entrée au CP. En effet, si les séquelles psychomotrices peuvent généralement être décelées dès les premières années de vie, les éventuelles séquelles neurologiques apparaissent plus tardivement.

Aujourd’hui, Arthur a tout juste 1 an (d’âge « réel », soit 9 mois d’âge « corrigé »), et c’est un petit bonhomme formidable de 9kg et 74 cm, plein de vie et déjà très coquin. Il nous procure énormément de bonheur et nous rend extrêmement fiers.

Mettre des mots sur mes maux

De retour à la maison, j’ai commencé à écrire notre histoire. Pour Arthur d’abord, pour qu’il puisse connaitre son parcours et ses exploits. Et puis je me suis rapidement rendue compte qu’écrire était thérapeutique pour moi. J’avais besoin de sortir mes sentiments et de tout mettre sur papier, pour ne plus avoir à ressasser sans cesse. Aujourd’hui ce texte est publié, dans un livre intitulé L’Heure de la Cigogne, afin que notre témoignage puisse apporter de l’espoir aux parents qui traversent cette épreuve, et permettre à leur entourage de mieux comprendre ce qu’est prématurité.

Il n’existe que très peu de témoignages sur le sujet, alors que la prématurité concerne près de 60 000 nouveau-nés chaque année en France.

L’Association SOS Préma

N’hésitez pas à découvrir quelques extraits du livre sur le compte Instagram de @lheuredelacigogne. Vous pouvez également vous procurer notre histoire sur Amazon, au format broché ou Kindle. Une partie des bénéfices est reversée à l’Association SOS Préma, qui vient en aide aux bébés nés prématurés et à leur famille.

Je profite d’ailleurs de ce témoignage pour remercier Berceau Magique, qui est également partenaire de cette association. Leurs dons permettent, entre autres, de financer des fauteuils convertibles pour les services de néonatalogie, et ainsi, nous permettent de rester dormir auprès de nos bébés, ce qui est absolument indispensable dans un tel contexte.