Témoignage de Pauline, maman de Gautier (31 SA), Adrien (29 SA), Nathanael et Lucien

bébé prémature à l'hopital

Nous avons eu un 2ème bébé prématuré…

Lorsqu’Adrien est né (notre 2ème enfant), ce fut un nouveau traumatisme pour mon mari et moi. Une 2ème naissance prématurée. Le sentiment que le sort s’acharnait sur nous. Mais cette fois, ce n’était pas tout à fait l’inconnu. Nous avions pleinement conscience des risques liés au terme d’Adrien et de la longue route qui nous attendait. 

Ce que nous n’avions pas réalisé, c’est que cette fois-ci ce n’était pas seulement nous, Arnaud / Pauline, et nous en tant que couple qui allions traverser cette épreuve. C’était la famille que nous étions qui allait être bouleversée et en particulier notre ainé Gautier (2 ans). 

Comme tout le monde, nous avions acheté des livres autour de l’arrivée d’un 2ème bébé dans la famille : Petit Ours Brun, Tchoupi … pour préparer Gautier à être grand frère. Évidemment, dans ces histoires-là, le ventre de la maman est très gros et le jour venu, mamie et papi s’occupent de l’ainé pendant que papa et maman vont à l’hôpital. Puis le papa et les enfants viennent rendre visite à la maman et au bébé, pour finalement tous rentrer à la maison. 

Autant vous dire que le schéma des pompiers qui arrivent à la maison, emmènent maman à l’hôpital et du grand frère confié en urgence aux voisins n’était pas tout à fait le même… La suite, non plus, car les visites n’étaient pas autorisées à Gautier durant toute la durée de l’hospitalisation de son petit frère. Donc pendant plus de 2 mois, la figure d’un petit frère plane. Et deux mois à cet âge-là, autant dire que c’est une éternité…

Une organisation millimétrée

Face à l’imprévu, nous avons fait de notre mieux pour gérer le quotidien. Mon mari venait de commencer un nouveau boulot donc impossible de prendre son congé paternité. En plein mois de juillet et août, tout le monde est parti petit à petit en vacances. Les nounous étaient en congés et nous avons peu de famille. Gautier était gardé par les uns et les autres en semaine, et le week-end nous rendions visite à Adrien à tour de rôle. Une véritable galère sur le plan logistique. Nous avons partagé très peu de moments tous les 3. D’ailleurs, les photos d’Adrien avec l’un d’entre nous se comptent sur les doigts d’une main… La seule photo que j’ai de tous les 3 est celle de la sortie. 

Nous parlions peu d’Adrien en présence de Gautier. Déjà parce qu’au début, on ne savait pas ce qui allait se passer, mais aussi parce qu’Adrien faisait suffisamment parti des conversations « d’adultes ». Nous lui avons montré que très peu de photos de son frère ou que tardivement. Nous-mêmes en avions peu, et cela m’était insoutenable de les regarder. Alors pour lui, je me suis certainement dit qu’il valait mieux l’épargner. 

Par contre, nous l’avons encouragé à faire des dessins à offrir à son frère pour décorer sa chambre. Mais il est vrai que sa chambre, il ne l’a jamais vu…

Notre ainé s’est senti « abandonné »

Gautier a toujours été d’un tempérament assez difficile, mais là, il est rapidement devenu insupportable. De notre côté, nous avions le sentiment de nous démener pour passer le plus de temps possible avec lui. De l’autre, lorsque nous étions ensemble il ne faisait que râler et faisait des colères effrayantes. Il ne voulait plus manger et se réveillait la nuit parfois pendant plusieurs heures. Mon mari restait à moitié endormi sur le canapé à côté de lui pendant qu’il jouait jusqu’à ce qu’il finisse par tomber de fatigue. 

Les quelques personnes qui le gardaient nous disaient qu’il nous réclamait pendant la journée et nous faisait même sentir qu’entre un bébé qui dort toute la journée et un enfant de 2 ans, il fallait peut-être qu’on revoit nos priorités. Ce qui nous mettait encore plus en colère ! Comme si nous ne faisions pas déjà notre maximum !

Sur les conseils des infirmières, nous avons essayé de passer des moments un peu privilégiés avec lui. Un week-end, mon mari a décidé d’emmener Gautier à Provins pour voir le spectacle de rapaces et profiter d’un moment tous les deux. À peine arrivé, j’ai été obligée de l’appeler, car Adrien présentait les signes d’une entérocolite et venait de repartir en réanimation. Ce sont des choses qui arrivent, totalement imprévisibles. Sauf que dans cette situation imprévisible, nous étions tellement inquiets pour Adrien que nous avons paré au plus pressé. Je ne m’en souviens même plus, mais nous avons sûrement laissé Gautier à une baby-sitter ou je ne sais qui pour pouvoir être ensemble auprès d’Adrien. Inutile de dire qu’il y a meilleure expérience à vivre pour un enfant… 

Vers la fin de l’hospitalisation, au mois de septembre nous avons pu le mettre à la crèche de l’hôpital. C’est sûr que l’adaptation a plus duré 10 minutes que 10 jours… Néanmoins c’était vraiment bien car nous partions ensemble le matin à l’hôpital et il me savait pas loin de lui pendant la journée. De mon côté, j’étais en confiance. 

Une adaptation compliquée

Lorsqu’Adrien est enfin rentré à la maison après plus de 2 mois, nous étions tout à notre joie. Et j’ai pensé que nous allions « enfin » être une famille. Le problème, c’est qu’il ne suffit pas de le dire. Il faut le vivre afin que chacun trouve sa place, et après un tel big bang on partait avec un sacré passif ! Donc finalement, le comportement de Gautier ne s’est pas amélioré par enchantement. Et ce ne sont pas les multiples ré-hospitalisations d’Adrien qui ont aidées.

Au mois de novembre après 2 mois infernaux, nous avons mon mari et moi déclaré forfait. Nous ne savions plus comment gérer la situation. Lors d’un RV au CAMSP nous en avons parlé au pédiatre qui nous a conseillé de rencontrer la psychologue.

Elle nous a donné des conseils assez simples finalement : 

  1. Lui parler de sa propre naissance, de sa place d’ainé, de l’amour que nous lui avons porté de sa conception à ce jour. Et de lui dire, encore et encore, que même s’il a pu se sentir abandonné, nous n’avons jamais cessé de l’aimer.
  2. Être beaucoup plus ferme avec lui, car le sentant mal et rongés par la culpabilité nous lui laissions passer beaucoup trop de choses et finalement, il n’y avait plus le cadre sécuritaire dont il avait besoin 

Les choses sont rentrées progressivement dans l’ordre avec des hauts et des bas. Il aura fallu du temps pour que nous nous sentions véritablement une famille. 

Mes conseils de maman

Ce que je retiens finalement, c’est que dans ce tunnel de l’hospitalisation avec son lot de traumatismes, d’angoisse et de fatigue, gérer un ainé en plus de tout le reste a vraiment été une épreuve. Une organisation surhumaine et l’éternelle culpabilité lorsque j’étais avec l’un, de ne pas être avec l’autre et inversement. 

Bien entendu, toutes les expériences sont différentes. Mais ce dont je suis certaine, c’est que : 

  • Il y a un enjeu logistique qui peut être largement diminué lorsqu’il y a une salle des familles dans le service avec des jeux pour les enfants. Et encore mieux un endroit où on peut le faire garder dans l’hôpital : crèche, coin lecture ou autres. Ne serait-ce que quelques heures. 
  • Il y a un enjeu de création de lien.  Je me suis souvent posé la question ce qui ce serait passé si Gautier avait pu rencontrer son frère à l’hôpital. 

Dans mon cas personnel, si je n’avais pas été dans un tel brouillard : 

  • J’aurais parlé davantage à Gautier de ce qu’il se passait plutôt que de ne pas en parler. Expliquer concrètement la naissance de son frère, pourquoi nous étions absents, pourquoi nous étions parfois tristes. Montrer des photos de l’hôpital, de la chambre, de son frère. Et peut-être insister auprès de l’équipe soignante pour qu’il puisse le voir. 
  • J’aurais sacralisé des temps qualitatifs avec lui en lui accordant toute mon attention. Plutôt que cette logistique infernale avec 1h par ci, 1 par là.
  • J’aurais demandé de l’aide plus tôt auprès d’une psychologue plutôt que d’attendre plusieurs mois lorsque nous étions au bout du rouleau.  

Au final, je retiens que les meilleures intentions du monde ne suffisent pas. Il y a aussi des solutions pratiques indispensables, un peu de méthode et beaucoup de soutien. En tant que soignants, vous ne pouvez pas agir sur tout, mais engager les parents à parler de la fratrie les aidera peut-être à exprimer leurs inquiétudes ce qui sera déjà beaucoup. 

Source : partenariat SOS préma