Témoignage d’Oxana, maman d’Alexandre, né à 32 SA

La découverte de mon bébé en néonatalogie

Quand j’ai vu mon bébé pour la première fois dans la couveuse avec plein de tuyaux de partout, je me suis demandée «Est-ce qu’il souffre, qu’est-ce qu’il ressent, est-il confortable dans cette position ? » : mille questions dans la tête. Toute de suite, j’ai remarqué qu’il y avait trop de stimulations pour un petit bébé comme lui : les appareils qui bip fort et sans arrêt (j’avais mal à la tête après avoir entendu ces alarmes toute la journée et qu’est-ce que cela donne pour lui alors ?), la lumière est trop forte dans sa chambre, il y a beaucoup de passage avec les portes qui claquent, les poubelles qui s’entrechoquent… Je voulais crier « Silence svp ! ».


Cette ambiance m’inquiétait et je posais beaucoup de questions à l’équipe médicale. Un jour, il a fait des bradycardies : « Pourquoi d’un coup, il fait cela, a-t-il un souci avec le cœur.. ? Pourquoi est-il si pâle aujourd’hui ? Avez-vous une explication pourquoi il fait des sursauts et des mouvements brusques avec ses bras et ses jambes ? Pourquoi sa respiration est si rapide ? » Malheureusement, je recevais souvent une réponse du type «Tous les prémas font cela » ou « C’est normal dans son cas ».  Et c’est quoi son cas ??? L’angoisse montait ! Nous étions les parents qui posaient toujours beaucoup de questions. C’est vrai, il faut admettre que cela peut être pénible pour l’équipe soignante, mais on faisait cela dans l’objectif de comprendre notre bébé, de comprendre ce qui se passe avec lui, ou de faire part de nos observations et de notre inquiétude. Il y avait bien évidemment les médecins qui nous écoutaient et prenaient en compte nos remarques, par exemple : « Pourquoi ses petites mains sont gonflées aujourd’hui ? » – « Ah, vous les trouvez plus grosses que d’habitude ? On va revoir la dose de diurétique ».

Décoder les signaux de mon bébé ne fut pas simple…


Je comprenais que le premier langage de bébé prématuré est les signes de son corps. Il ne peut pas pleurer et crier « normalement », il est intubé donc ne peut pas émettre des sons vocaux. Mais il a besoin d’exprimer ses émotions, de nous transmettre ses messages, il utilise donc son corps, ses mouvements et ses mimiques. Je trouve qu’avec mon fils, c’était assez facile de voir ses émotions négatives et ses émotions positives. Mais au début, j’avais besoin quand même du décodage, d’où la pluie de questions sur la tête des soignants.


Il y avait une infirmière qui faisait de la « magie » à mon fils. J’utilise le mot « magie » car je ne comprenais pas pourquoi à chaque fois qu’elle s’occupait de lui, mon garçon était toujours très calme, totalement apaisé, il dormait paisiblement avec une légère succion, visage très détendu de couleur rose-pèche. Sa respiration était régulière presque à 100% de saturation à l’air ambiant alors qu’auparavant, cela ne s’était jamais produit. Après, j’ai compris que cette infirmière savait décoder ses signaux corporels et répondre à ses besoins en lui apportant un soin individualisé : la lumière dans sa chambre était tamisée, les machines ne sonnaient presque pas (parce qu’il respirait bien) – elle essayait de réduire au maximum les expériences stressantes pour lui. 

Les parents ne sont pas toujours écoutés

Cependant, on a vécu une autre expérience, complètement opposée, quand on réveillait mon fils à 4h du matin pour effectuer son bain (!) parce que l’équipe de demain n’aura pas le temps de le faire… Le bain se déroulait dans les cris, avec beaucoup d’agitation et de grimaces et c’était compliqué de l’endormir après. Les parents peuvent être considérés parfois comme un frein pour les soins, mais il faut les intégrer comme un soutien, un soutien essentiel. 

Le reflux de mon fils était négligé pendant un certain temps, même si j’ai alerté plusieurs fois l’équipe médicale sur l’inconfort de mon bébé, je voyais qu’il n’était pas bien, qu’il souffrait – je voyais cela par sa pâleur, le hoquet répétitif, les grimaces fréquentes et une forte irritabilité. C’est plus facile pour moi de noter les changements dans son comportement, car je vois mon enfant en continu. 

Mon fils présentait aussi des troubles de l’oralité. J’ai vécu cela comme un échec personnel – je ne suis pas arrivée à alimenter mon bébé. Je tirais mon lait qui était administré par une sonde à mon enfant. On a essayé de le mettre au sein, cela n’a pas été couronné de succès. J’estime que nos essais ont été basés sur des objectifs quantitatifs (On m’a parlé de la quantité bue : « aujourd’hui il a bu 5 ml, ce n’est pas assez » ou bien « il a mis une heure pour boire 20 ml – c’est trop long. ») et ce n’était pas basé sur des éléments de qualité (sa stabilité psychologique et son plaisir). L’alimentation au sein était souvent reportée, ralentie ou mise en pause pour privilégier l’alimentation par sonde. Il y avait des jours où la mise au sein était proscrite en raison de son état. Là, je me sentais en échec, car les troubles de l’oralité persistaient et mon fils avait dû rentrer à la maison avec une gastrotomie qui était très difficile à vivre pour tout le monde.

Nous avons appris par nous même


Avec un peu de temps, j’ai vite compris que c’est très important de pouvoir reconnaître les signes de stress et de fatigue de l’enfant pour mieux répondre à ses besoins et pouvoir lui apporter du confort et de l’aide.
Malheureusement, à aucun moment de l’hospitalisation, on ne nous parle de soins de développement à proprement dits… On nous propose le peau à peau, on nous invite à participer aux soins sans vraiment expliquer pourquoi c’est important. Nous avons eu du bon sens, j’ai senti comment il fallait s’y prendre, nous nous sommes débrouillés tous seuls pour comprendre notre bébé et découvrir les soins de développement (j’ai connu NIDCAP via Internet par ex.) et il faut que cela passe par les soignants.


Vous pouvez vous poser la question « Pourquoi elle voulait absolument comprendre son bébé ? » Je suis une traductrice de formation, je veux toujours comprendre et décoder une langue étrangère, j’essayais donc de comprendre la langue de mon enfant. Et puis… je voulais jouer le rôle de maman… Tout à l’heure, on a parlé de la fragilité du lien : l’allaitement n’a pas marché pour moi, et pour créer le lien avec mon fils, j’essayais de le comprendre. J’avais besoin de connaître mon enfant, de le reconnaître et d’être reconnue par lui. NIDCAP, c’est un outil supplémentaire pour renforcer le lien avec le bébé prématuré. Faites découvrir aux parents les soins de développement, intégrez les comme les acteurs et non pas comme les visiteurs – cela n’apporte que du bien pour tout le monde !

Source : SOS préma